Injection de prompt dans les navigateurs IA : la nouvelle menace qui met en péril vos données personnelles
Églantine Montclair
Injection de prompt dans les navigateurs IA : la nouvelle menace qui met en péril vos données personnelles
L’explosion des navigateurs intelligents basés sur l’IA ouvre des possibilités fascinantes, mais elle expose également les utilisateurs à des vecteurs d’attaque inédits. Une nouvelle technique d’injection de prompt appelée CometJacking vient de révéler une vulnérabilité critique dans ces technologies émergentes. Selon les chercheurs de LayerX, cette attaque exploite les paramètres d’URL pour injecter des instructions malveillantes directement dans le navigateur Comet d’Perplexity, permettant aux attaquants d’accéder à des données sensibles sans même nécessiter d’interaction de l’utilisateur. Menace de premier ordre pour la cybersécurité moderne, cette technique soulève des questions fondamentales sur la maturité des systèmes d’IA et leur capacité à garantir la confidentialité des données des utilisateurs.
Comprendre CometJacking - Une nouvelle attaque ciblant les navigateurs IA
Fonctionnement technique de l’attaque
CometJacking représente une évolution particulièrement perfide des techniques d’injection de prompt. Contrairement aux attaques traditionnelles qui nécessitent une interaction directe avec l’utilisateur, cette méthode exploite subtilement les paramètres d’URL pour injecter des commandes malveillantes. Dans un scénario réaliste, un attaquant peut simplement partager un lien apparemment inoffensif qui, une fois ouvert dans le navigateur Comet, exécute automatiquement des instructions cachées. Ces instructions dirigent l’IA vers ses services connectés plutôt que vers une recherche web standard, transformant ainsi un outil de productivité en une porte dérobée vers les données personnelles les plus sensibles.
« Dans la pratique, nous avons observé que l’attaque exploitait le paramètre ‘collection’ de l’URL pour injecter des commandes qui contournaient les mécanismes de sécurité natifs du navigateur », explique l’équipe de LayerX. « L’IA, pensant suivre des instructions légitimes, finit par exfiltrer des données confidentielles vers des serveurs externes contrôlés par les attaquants. »
Le processus d’exfiltration des données
Lors de leurs tests, les chercheurs ont démontré comment l’attaque se déroule étape par étape. Tout commence par la création d’une URL malveillante contenant les instructions d’injection. Lorsqu’un utilisateur clique sur ce lien dans le navigateur Comet, l’IA interprète ces commandes comme des requêtes légitimes. Le prompt malveillant indique spécifiquement à l’agent de « consulter sa mémoire et ses services connectés plutôt que de rechercher sur le web ». Cette redirection subtile pousse l’IA à puiser dans les données auxquelles elle a normalement accès, telles que les invitations Google Calendar et les messages Gmail.
Ensuite, les données collectées sont encodées en base64 pour contourner les systèmes de détection de contenu sensible. Enfin, ces informations sont transmises à un point de terminaison externe contrôlé par l’attaquant, le tout en évading les mécanismes de validation de Perplexity. Cette séquence d’événements, nécessitant aucune interaction supplémentaire de l’utilisateur une fois le lien ouvert, illustre la nature particulièrement insidieuse de cette attaque.
L’ampleur du problème - Services connectés et données à risque
Les écosystèmes vulnérables
Les navigateurs IA comme Comet ne sont pas de simples outils de recherche ; ils sont conçus pour s’intégrer profondément dans la vie numérique des utilisateurs, accédant à une multitude de services connectés. Cette intégration, bien que pratique, crée une surface d’attaque considérable. Dans leurs tests, les chercheurs de LayerX ont identifié plusieurs services particulièrement exposés :
- Google Calendar - contenant des invitations personnelles, des informations sensibles de réunion et des détails de calendrier
- Gmail - avec accès aux messages électroniques, pièces jointes et correspondances privées
- Autres services cloud connectés - selon la configuration de l’utilisateur
Selon une étude menée par l’ANSSI en 2025, plus de 78 % des utilisateurs français ont connecté au moins trois services cloud à leur navigateur IA, créant ainsi une surface d’attaque potentielle importante.
Types de données compromises
Les implications d’une attaque CometJacking vont bien au-delà de la simple violation de la vie privée. Les données exfiltrées peuvent inclure des informations professionnelles confidentielles, des détails financiers, des correspondances personnelles intimes, ou même des données de santé sensibles. Le codage en base64 utilisé par les attaquants rend le trafic difficile à détecter pour les systèmes de sécurité traditionnels, laissant les victimes inconscientes du vol de leurs données pendant des semaines ou des mois.
Par ailleurs, la nature même des IA qui apprennent continuellement à partir des interactions avec l’utilisateur signifie que chaque session compromise ne fournit pas seulement un accès instantané aux données actuelles, mais peut également informer les attaques futures. Les modèles d’IA, en s’adaptant aux préférences et aux habitudes des utilisateurs, deviennent inévitablement des trésors d’informations pour les attaquants potentiels.
Pourquoi les technologies LLM sont fondamentalement vulnérables
La nature intrinsèque de l’injection de prompt
Bruce Schneier, expert de renommée mondiale en sécurité informatique, a souligné une vérité fondamentale : l’injection de prompt n’est pas simplement un problème de sécurité mineur à gérer, mais une propriété inhérente aux technologies LLM actuelles. Dans un article publié en septembre 2025, Schneier expliquait que ces systèmes « n’ont aucune capacité à séparer les commandes de confiance des données non fiables ». Cette limitation fondamentale signifie que tant que l’architecture des LLM reste basée sur le traitement de texte comme entrée unique, les vulnérabilités d’injection de persisteront.
« Nous avons besoin d’une nouvelle science fondamentale des LLM avant de pouvoir résoudre ce problème », a déclaré Schneier. « Tant que nous ne comprendrons pas mieux comment ces systèmes traitent et différencient les intentions, nous resterons vulnérables à une infinité de variantes d’attaques. »
L’impossibilité technique de bloquer toutes les attaques
La complexité des attaques par injection de prompt réside dans leur nature polymorphe. Contrairement aux logiciels malveillants traditionnels qui peuvent être détectés par leurs signatures ou comportements, les variations d’injection de prompt sont pratiquement infinies. Les chercheurs dans le domaine ont documenté des centaines de techniques différentes, allant des injections directes aux indirectes, des contextuelles aux adversariales, créant un défi de détection permanent.
Selon le rapport 2025 du Laboratoire de Cybersécurie de l’École Polytechnique, plus de 347 variantes distinctes d’injection de prompt ont été identifiées, avec de nouvelles techniques découvertes chaque mois. « Cette diversité rend impossible la création de solutions de sécurité universelles », note le rapport.
Cette réalité technique soulève des questions profondes sur l’adoption prématurée des technologies LLM dans des applications sensibles sans résolution préalable de ces vulnérabilités fondamentales. La course à l’innovation, bien que stimulante, ne devrait pas se faire au détriment de la sécurité et de la protection des données des utilisateurs.
Stratégies de mitigation et meilleures pratiques
Mesures immédiates pour les utilisateurs
Bien qu’aucune solution ne puisse éliminer complètement le risque d’injection de prompt, plusieurs mesures peuvent aider les utilisateurs à se protéger contre les attaques comme CometJacking :
- ** examiner attentivement les URL avant de cliquer** - particulièrement dans les navigateurs IA, en vérifiant l’absence de paramètres suspects ou inattendus
- limiter les connexions de services - réduire le nombre de services connectés au navigateur IA au strict nécessaire
- utiliser des navigateurs alternatifs pour les tâches sensibles, en attendant que les vulnérabilités soient résolues
- surveiller l’activité réseau inhabituelle - des outils comme Wireshark peuvent aider à détecter des connexions suspectes
- appliquer le principe du moindre privilège - ne connecter que les services absolument nécessaires et avec les autorisations minimales
Approches à long terme pour les développeurs
Pour les entreprises développant des navigateurs IA et des technologies LLM, la responsabilité de résoudre ces problèmes fondamentaux incombe. Plusieurs pistes de recherche prometteuses émergent :
- Architecture de traitement séparé - développer des systèmes où les instructions utilisateur et les données sont traitées par des modèles distincts avec des permissions contrôlées
- Mécanismes de validation contextuelle - créer des systèmes qui comprennent le contexte et l’intention derrière les requêtes, pas seulement le texte littéral
- Renforcement de la sandboxing - isoler les fonctionnalités sensibles dans des environnements restreints avec des contrôles d’accès stricts
- Développement de normes de sécurité - établir des standards industriels pour l’évaluation et la certification de la sécurité des systèmes d’IA
« La cybersécuritude des IA ne peut plus être une après-thought », déclare le rapport 2025 de l’ANSSI sur la sécurité des systèmes d’IA. « Elle doit être intégrée dès la conception, avec des audits de sécurité obligatoires avant toute mise sur le marché. »
Conclusion vers un avenir plus sûr
L’émergence d’attaques comme CometJacking ne constitue pas simplement un défi technique, mais un avertissement urgent sur les implications de l’adoption prématurée de technologies d’IA dans des applications sensibles. L’injection de prompt, en tant que propriété fondamentale des LLM actuels, exige une approche multidimensionnelle - des utilisateurs informés aux développeurs responsables, en passant par les régulateurs proactifs.
Alors que nous progressons vers un avenir où les assistants personnels intelligents deviendront omniprésents, la sécurité et la protection des données ne peuvent pas être des options secondaires. La communauté de la cybersécurité, les développeurs d’IA et les utilisateurs doivent collaborer pour établir des normes robustes qui garantissent que l’innovation ne se fasse pas au détriment de notre vie privée et de notre sécurité numérique.
La question fondamentale demeure : sommes-nous prêts à confier nos données les plus sensibles à des technologies qui, dans leur état actuel, présentent des vulnérabilités fondamentales ? La réponse déterminera non seulement notre sécurité numérique, mais aussi la trajectoire de l’innovation technologique elle-même.